Tout ne vient pas du produit, loin de là…

Quand on parle d’addiction, l’image qui surgit spontanément, c’est celle d’une substance : la clope, l’alcool, le sucre, le cannabis. On pense dopamine, manque, chimie. Et c’est vrai : ces substances modifient notre fonctionnement cérébral. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire.

Ce qu’on oublie souvent, c’est le décor autour. Le café du matin qui appelle la cigarette. La journée difficile qui justifie le carré de chocolat. Le scroll automatique dès qu’on s’ennuie. Plus qu’un produit, c’est souvent un rituel bien rodé qui nous tient. Ce n’est pas tant ce qu’on consomme qui nous accroche, que la manière dont on le fait, et la récompense qu’on en attend.

Les chercheurs en neurosciences le confirment : dans les addictions dites “chimiques”, comme le tabac ou l’alcool, jusqu’à 60 % de la dépendance serait liée au contexte, aux habitudes, au geste, et non à la substance elle-même. Et dans les addictions dites “comportementales”, comme les réseaux sociaux, le sucre, ou les jeux vidéo, cette part comportementale grimpe parfois au-delà de 80 %.

Le cerveau adore ce qui se répète. Il fonctionne par automatismes. Et il adore surtout être récompensé à moindres frais : un shoot rapide de plaisir prévisible, même s’il est toxique, vaut mieux qu’un inconfort incertain.

Certaines addictions sont même valorisées socialement. L’addiction au travail, par exemple, se camoufle sous le masque du professionnalisme. L’addiction au sport, elle, se drape dans la performance et le culte du dépassement. Et pourtant, ces excès — même “sains” en apparence — reposent sur les mêmes mécanismes neurobiologiques que les drogues dures : le besoin de contrôle, la fuite émotionnelle, le renforcement automatique.

Alors non, se libérer d’une addiction ne consiste pas « simplement » à résister à un produit ou un comportement. C’est souvent plus subtil — et plus exigeant. Cela demande de désamorcer les routines, de perturber les schémas, de reprogrammer les boucles de récompense. Il faut identifier ce qu’on cherche à fuir, ce qu’on tente de recréer, ce qu’on évite de regarder.

C’est un travail d’orfèvre. Mais aussi une libération puissante.

“On ne combat pas une habitude en l’effaçant. On la remplace.” — Charles Duhigg, The Power of Habit

Références :

Brewer, J. Unwinding Anxiety (2021)
Duhigg, C. The Power of Habit (2012)
Berridge, K.C. The debate over dopamine’s role in reward: the case for incentive salience. Psychopharmacology (2007)
Volkow, N.D. et al. The Neuroscience of Addiction: Implications for Treatment (2016)

Parmi les autres réfs on pourrait citer les célèbres livres d’Allen Carr, d’abord sur la cigarette puis sur la prise de poids. Si je ne suis pas concernée par le premier, le second a beaucoup changé ma relation avec la nourriture. Et bien sûr cela ne règle pas tout et nous sommes humains, donc faillibles, mais ce n’est pas grave, au contraire, la compréhension nous fait retrouver un peu d’auto-bienveillance qui est également nécessaire pour aller bien, si non mieux…